Suite à la séquence illustrant le projet Le Champ des Possibles dans le documentaire « Après Demain », François, son fondateur, avait envie d’expliquer plus en détail les enjeux du métier de maraicher sur petite surface et le système de CSA (Agriculture Soutenue par la Communauté), voici retranscrites, les idées reprises dans la vidéo réalisée par Raphael Colson et produite par la Ceinture aliment-terre liégeoise:

• CSA/ASC (Community Supported Agriculture ou Agriculture Soutenue par la Communauté)
Le CSA est un projet où l’agriculteur et les consommateurs/membres/récolteurs s’unissent et partagent les risques relatifs à la qualité et à la quantité des récoltes. Grâce à l’avance d’une cotisation annuelle fixe, les récoltes abondantes mais aussi la possibilité d’une perte au niveau des cultures sont assumées par les deux parties. Les membres peuvent également accéder aux états financiers et avoir leur mot à dire dans le plan de gestion et de production. L’agriculteur cherche à ce que les récoltes soient les meilleurs possible et les membres s’assurent qu’il bénéficie d’une rémunération équitable, il y a donc une responsabilité mutuelle.
http://www.champdespossibles.be/

• Maraicher sur petites surfaces
Cela reste très compliqué de s’installer en maraîchage et en agriculture en général en particulier pour un porteur de projet non issu du monde agricole. Le salaire horaire moyen excessivement bas, parfois même en dessous du seuil de pauvreté (8,5 EUR/h brut pour le maraichage sur petite surface).
Pour quelqu’un qui démarre sur petite surface, il faut compter un salaire net par mois aux alentours des 700 euros et espérer que celui-ci augmente au fil du temps ce qui n’est pas simple au vu de la stagnation des prix des légumes en particulier par rapport à l’inflation générale. En cas de problèmes mécaniques (machines, véhicules), climatiques (sécheresse, inondations…) ou personnels inattendus, la situation financière de l’exploitation peut se détériorer rapidement.

• Vie familiale
Trouver un équilibre entre vie familiale et métier agricole a toujours été une gageure. Pourquoi un agriculteur n’aurait-il pas le droit à cet équilibre ? Pour François, le CSA en auto-cueillette lui a permis véritablement de trouver un équilibre. Ainsi il peut garder ses week-ends pour être en famille, ce qui est un réel luxe dans le monde agricole. En effet, pourquoi un agriculteur serait-il obligé à travailler beaucoup pour gagner peu et en plus ne pas avoir du temps à consacrer à ses proches? L’organisation actuelle de notre système alimentaire entraine souvent un tel sacrifice.

• Esthétique du légume/calibrage/taille/traitements
Le grand public est habitué à trouver dans les magasins des légumes « esthétiquement parfaits « (gros, sans trous ni taches). Pour en arriver là, on utilise beaucoup d’engrais, d’eau et de produits de « protection » des cultures (herbicides/fongicides). Grâce au CSA, cette pression est bien moins forte que dans le circuit traditionnel, les mangeurs étant très proches du projet, François entend mener à bien son projet sans avoir cette pression économique, qui selon lui, pousse beaucoup d’agriculteurs à commettre des erreurs d’un point de vue environnemental et de la biodiversité.
Cette absence d’obligation de résultat lui permet en effet de ne pas traiter du tout même avec des produits habituellement autorisés en bio. Il estime que les producteurs ont été poussés trop loin dans le sens d’une productivité et d’une perfection aveugle et qu’il est urgent d’essayer de préserver la faune et la flore à travers les différents projets agricoles (haies, arbres, cultures diversifiées, …) tout en éduquant les consommateurs à une nouvelle esthétique des produits.

• Enjeux environnementaux/prises de risques
Les enjeux environnementaux qui nous attendent sont tels que nous n’avons plus le choix. Nous devons nous investir dans la transition écologique, prendre des risques à sa petite échelle pour essayer d’offrir une planète correcte aux générations qui nous suivront. Cela commence quand c’est possible par des achats « raisonnés, justes et locaux », un changement de carrière professionnelle, une décroissance dans notre consommation, etc… Et puis comme le souligne la vidéo, les personnes qui prennent vraiment des risques, ce sont les réfugiés qui traversent les océans sur des canots de sauvetage pour offrir à leur famille une vie meilleure. En un mot, n’ayez plus peur, on n’a plus le temps pour ça!

• Accès aux aides européennes/subsides
Idéalement François préférerait que les maraichers puissent faire leur travail sans aides de l’état ou de l’Union Europenne. On a pu constater l’effet négatif que peuvent avoir ces aides notamment dans les dérives d’une agriculture mondialisée. Mais force est de constater qu’une personne qui est motivée et a des compétences mais qui ne dispose pas de financement et manque de réseaux est dans l’incapacité de se lancer en agriculture. Cette réalité est selon François inacceptable. Actuellement, quasi aucuns de ses collègues sur petite surface n’ont eu accès à ces aides à l’installation ou à l’investissement car leur chiffre d’affaires ou leur superficie culturale sont trop faibles pour être considérés. Il est donc crucial pour ces producteurs d’avoir un soutien concret pour pérenniser leur exploitation.

• Quelles solutions pour l’avenir ?

– Augmenter les prix unitaires ou au kilo des légumes/fruits en fonction de la superficie et de la jeunesse ou pas du projet => conscientisation du mangeur, des magasins ou des collectivités
– Etablir une sorte de minimum salarial fixe pour les jeunes agriculteurs qui travaillent dans le respect de l’environnement et recréent de la biodiversité. François fait la comparaison avec le statut d’artiste en Wallonie qui garantit une aide mensuelle à ceux qui en bénéficient en plus des revenus engrangés par leur activité. On pourrait aussi imaginer qu’une part du salaire soit payée pour des activités de formation auprès des citoyens, des écoles, etc…
– Mettre en place une régie agricole dans les communes et villes qui ont un objectif véritable de participer à la transition. Sans entrer dans les détails cela peut se résumer à ce que la commune salarie des maraichers afin de fournir en légumes ses collectivités.
Deux avantages en découleraient : enfin un salaire décent pour les travailleurs de la terre et une qualité de légumes augmentées puisqu’il n’y aurait plus d’obligation de passer par des cahiers des charges qui tirent trop souvent la qualité vers le bas.

Afin d’arriver à rendre le système de maraichage en petite surface durable il n’y a pas d’autre alternative que de créer une réelle synergie positive entre les politiques, les citoyens et les entreprises. Et pour cela l’éducation des plus jeunes – par la mise en place d’une véritable pédagogie de transition au sein des écoles – est pour François un axe majeur de changement.