En 2018 nous nous faisions l’écho des conséquences dramatiques de la sécheresse sur les cultures maraichères en prônant la mise en place d’un véritable statut pour ces producteur·trices (lire l’article). En 2024 c’est la pluviométrie exceptionnelle qui impacte gravement le démarrage de la saison (les cumuls de pluie sont les plus élevés depuis 1959). Les « ravageurs » limaces et escargots ont entrainé la désolation dans les plants de nombreux maraichers sur petite surface de la Province de Liège (et ailleurs au Nord de l’Europe où les pluies incessantes et les températures douces sont idoines au développement de ces gastéropodes). Plusieurs membres de notre réseau nous ont contacté ces derniers jours et nous partageons le témoignage de notre ancien collègue du Champ des Possibles ci dessous. Morgan, maraicher de Jalhay qui emploie 2 ouvriers à temps plein et un intérimaire, vient quant à lui de jeter l’éponge après 6 années où il s’est confronté aux difficultés climatiques et aux taxes qui s’avèrent surdimensionnées par rapport à son chiffre d’affaire (ONSS patronales, TVA), une situation commune à cette profession (voir aussi les témoignages des maraich·ères de Trois Pont qui arrêtent ou celui très touchant et commenté des 3 Maraîchers de Wépion). A Aywaille, c’est Kim du Fond des Pans – qui fourni plusieurs épiceries liégeoises – qui rappelle les risques liés au climat. Plus près de nous à Anthisne, c’est le projet Acterre qui rencontre des difficultés et cherche repreneur·euse (lire l’article).

La difficulté de contrer ces attaques de ravageurs est grande pour nos petits maraichers et maraichères dont la philosophie est de travailler sur sol vivant, sans recours à la lutte chimique comme cela peut être le cas pour des horticulteurs de grande taille (avec en particulier les métaldéhydes qui se retrouvent ensuite dans les eaux). Même les produits homologués bio (comme le phosphate ferrique – les fameux « granulés bleus ») ne sont pas sans impact pour la biodiversité. Les techniques manuelles ou naturelles sont devenues inefficaces face à l’ampleur de l’invasion 2024 de ces mollusques et en regard de la disparition de prédateurs naturels (nématodes, orvets, grenouilles, crapauds, hérissons, tous décimés par les fongicides/herbicides et autres pratiques non respectueuses de l’environnement comme le rappelle Stéphane Mostenne, conseiller en maraîchage biologique à la Province de Liège). Au delà des limaces, les pluies continues ont gorgé les sols d’eau et inondé certaines surfaces (empêchant les plantations) ainsi que les serres (comme à la Forêt de Luhan).

Nous ne pouvons qu’extrapoler sur les périodes futures et prédire d’autres épisodes de désordres climatiques pour nos producteurs et productrices. Il est donc essentiel de s’interroger sur les aides à mettre en place (fonds de calamités/assurances) mais aussi le soutien à l’investissement dans des serres (qui facilitent dans la lutte contre les ravageurs) et/ou des méthodes de gestion de l’eau, qui pourraient éviter le découragement, des arrêts en cascades et in fine mettre en péril une autonomie alimentaire déjà difficilement soutenable. Un véritable statut pour nos maraichers et maraichères est plus que jamais nécessaire. l’enjeu devrait faire partie des priorités pour la prochaine législature.

– – – – A lire :

Témoignage de notre ancien collègue F. Sonnet, maraicher en CSA au Champ des Possibles de Jupille (mail du 23 mai 2024)

« Ce début de saison est bien compliqué et assez épuisant. Les limaces et escargots sont omniprésents comme je ne l’ai jamais vu en 8 ans.  Ce qui a déjà demandé beaucoup de repiquage et de refaire des semis. Suite aux dégâts, j’ai déjà du repiquer des choux pointus, des salades, des betteraves rouges, du fenouil , du céleri rave…

Et ce n’est pas fini, Il y a un grand bloc couvert d’une bâche avec les trous qui accueillent d’habitude les courges avec des choux au milieu. Les courges qui commençaient à sortir se sont joyeusement faites dégommés par les limaces et les 300 choux rutabaga, 300 choux de bruxelles, 150 choux rouges et 150 choux verts ont à peine tenu une nuit suite au repiquage… du jamais vu.

J’ai réussi à ravoir quelques plants mais je ne saurai pas tout repiquer comme prévu initialement. Je compte aussi resemer les courges. J’ai déjà du resemer des carottes, des pois, des épinards, des scorsonères et suite aux pluies de vendredi, il y a une tranchée qui s’est créée à cause de la puissance de l’eau dans une partie des semis de panais et scorsonère.  Les premières courgettes extérieures se sont bien faites attaquées aussi.

Suite à tout cela, j’ai été racheté les granulés bleus autorisés en bio car c’est vraiment trop, j’ai eu de la « chance » car il ne restait plus que 2 sacs, tous les fournisseurs bio sont à sec..

Mes semis en alvéoles prennent mal à cause du manque de soleil et de chaleur et trop d’humidité. En plus,il y a des limaces et escargots qui montent sur les tables et dévorent les jeunes plants et se cachent sous les plaques..du jamais vu je vous dis.

Je vais en rester là mais j’avais besoin de partager cela avec vous. 

(je pourrais aussi parler des doryphores dans les pommes de terre qui sont déjà bien présents) « 

L’article « Maraichage : un métier compliqué »